mercredi 2 juillet 2025

Requiem pour un écosystème

"Non mais c'est bon, c'est l'été, il fait chaud, c'est normal" me rappelait encore TatieDanielle85, du Comité de recherches inter-minables agrée par les Experts Facebook. "De toute façon, la sécheresse, c'est de la faute des escrologistes wokes qui veulent imposer une taxe sur les tongs, les ventilateurs et les planchas et qui sont contre les bassines agricoles qu'il a dit Pascal Kro" surenchérissait alors Jacky le Patriote, un sociologue amateur lisant l'avenir dans les fonds de Ricard et par là même fermement convaincu que Brigitte Macron est un travesti reptilien. Toute cette joyeuse bande de boomers en phase accélérée de déclin cognitif, patientant, la climatisation à fond, avant le départ du Tour de France, n'a à la bouche que la référence à l'été 76, devenu par défaut l'ordalie de la génération de la pilule, du plein emploi et des soirées Intervilles. C'est leur Verdun à eux. On a des triomphes à la mesure de sa médiocrité. 

Sauf qu'en 1976, les températures les plus hautes flirtaient avec les 32 degrés, pas 42 et la sécheresse, certes exceptionnelle à cette époque a essentiellement concerné le nord du pays. D'autre part, le point de comparaison en 1976, c'était la canicule de 1947 qui faisait écho, elle, à celle de 1911. En 2025, au mois de JUIN, on bat des records établis en 2019. Un simple et rapide calcul de tête permettrait à nos Prix Nobel refoulés de s'apercevoir que la fréquence et l'intensité de ces fâcheux épisodes échappent un tantinet à la "normalité"  qu'ils invoquent frénétiquement pour rester quoi qu'il en coûte dans le confort mental très relatif du déni total.

"Les gens aujourd'hui, ils sont fragiles, ils veulent plus travailler. Il y a qu'a voir ces ouvriers qui convulsent au soleil juste pour se faire plaindre et se mettre en arrêt (définitif parfois puisqu'il arrive que ces putains de grosses feignasses meurent aussi sur le chantier mais bon, Papy Cnews n'allait pas s'arrêter en si bon chemin...) et puis la télé, il y en a marre, ils mettent la carte météo en rouge pour faire peur et laver le cerveau des gens", ça, je l'ai encore entendu il y a peu dans la bouche d'un gars qui ferait bien de se demander s'il lui reste quelque chose à se faire briquer entre les deux oreilles. La droite rurale décomplexée, le Alzheimer champêtre, la France des Honnêtes Gens comme dirait l'autre... Coupez leur le ventilateur et laissez les exprimer leur résilience de vrais bonhommes qui ont survécu à l'été 76 en suintant à peine sans leur slip Kangourou, qu'on rigole un peu, tiens.


Bref, on entame à peine le mois de juillet et rappelez-vous que la chaleur, c'est normal,  c'est l'été et que s'il n'y a plus une goutte dans les cours d'eau, c'est rien que de la faute des bobos mondialistes à vélo. Finalement, c'est vrai que c'est reposant mentalement d'être de droite : il suffit d'aimer les grosses voitures, la viande rouge et Michel Sardou. Et aussi, j'oubliais, d'arriver à croire que la fin du monde, c'est un truc exclusivement réservé aux pauvres... 



dimanche 29 juin 2025

Sous le soleil exactement

N'en déplaise au comité des Experts Facebook qui, après avoir brillamment démontré que le COVID était une hallucination collective, que le grand remplacement avance voilé derrière une couscoussière et que le brave Vladimir Poutine n'a pas tous les torts, semble vouloir insister sur le fait que les canicules, comme tout finalement, c'était mieux avant, je me sens fondé à déclarer qu'on crame littéralement sur place en ce dernier week-end de juin, tout en me rappellant que l'avant-dernier n'était pas mal non plus. En 2003, c'était tendu, certes, mais j'avais 22 ans de moins. À un moment, qu'on le veuille ou non, ça compte. 

Demain, à 9 heures du matin, la météo annonce un joyeux 27 degrés à l'ombre. Ça promet. Bordel. Surtout que dans les coins où je serai demain matin, de l'ombre, il y en a autant qu'il existe de chances qu'on diagnostique subitement une hypermnésie aiguë à François Bayrou. Je vais finir dans un sale état et je ne serai pas le seul. Tenir. Tenir jusqu'à jeudi. Sans tuer un climato-sceptique sénéscent et me garder les restes pour le goûter (oui, j'ai fait option dystopie pratique en SVT).

Sinon, tranquille, toujours rétrogradé au statut de fantassin par la grâce de mon cascadeur indigène dipsomane, j'ai encore une semaine à me fader avant de partir en congés. Je suis par contre assez déçu par ma canne voyage aliexpress (seconde déception pour un achat de canne en Chine, ce qui est peu sur une douzaine d'achats), elle n'est pas terrible mais bon, je n'ai plus le temps de trouver une solution alternative. Un aller-retour en train ne permet guère de fantaisie. Ce matin, à la fraîche, j'ai remis le museau dans les bricolages. 



Un peu de marabout sur les cuillères, ça ne coûte rien et ça embellit l'ensemble. Espérons que cela aura l'heur de complaire aux salmonidés que je m'apprête à persécuter. Enfin, si la météo reste assez clémente pour ne pas dépasser les standards tolérables pour mon organisme déliquescent bien sûr...



vendredi 27 juin 2025

Tardigradisme baroque

En ce début de fin du monde calorifique, j'étais résolu à la sobriété énergétique, au repos tactique, bref à me la jouer petits bras, fonctionnaire cacochyme à manchons & fixe-chaussettes. Ainsi, à l'issue d'une journée particulièrement caniculaire, j'ai renoncé à mon désormais quasiment coutumier pinsage sudoripare vespéral pour entamer une bonne nuit précoce espérée  réparatrice. Sauf que vers 22 heures, un "BOUM" précédé d'un long cri déchirant de freins à l'agonie me réveille au bout de quelques minutes d'inconscience. "Boum ?"se dit le cinéphile averti qui sommeille dans mon corps d'athlète ! Serait-ce enfin Sophie Marceau, amenée à résipiscence par quatre décennies de harcèlement épistolaire, qui frapperait vigoureusement à l'huis pour enfin vivre des torrents de passion collée à mon torse velu de gorillon érotomane ? Ah ben non merde... C'est juste Michel, le fils caché de Raymond Bidochon et de Rémy Julienne, qui vient d'atomiser ma bagnole garée à quelques pas. Michel, 67 ans, 1 gramme 5 et quelques, 100 kilomètres-heure dans une zone limitée à 30, est en train d'essayer de se casser en toute discrétion mais sa louable tentative d'échapper aux tracasseries administratives qui suivent ce genre d'évènements est vouée à l'échec : un de ses pneus a pris son indépendance et gît à quelques mètres, sans compter que sa colonne de direction doit ressembler à un tire-bouchon. Ce qui ne doit pas manquer de l'émouvoir, lui, l'homme du terroir, féru de ces valeurs sûres qui ont fait la France ainsi que la fortune des ferrailleurs.


Michel, homme de ressources, s'empresse aussitôt de me préciser qu'il ne tentait pas de prendre la fuite mais que tout simplement, par civisme, il tenait en tout bien tout honneur à bouger sa voiture afin "d'éviter un accident". Les gens sont si peu attentifs au volant, m'voyez... Je n'ai pas même eu le temps de m'incliner devant tant de noblesse d'âme que le bougre m'assénait qu'il ne fallait surtout pas déranger les gendarmes pour cette broutille car lui, son gendre, gendarme, il l'était, donc "on pouvait s'arranger". Cette présence d'esprit, cette solidité mentale dans l'épreuve, ce choix audacieux des circuits courts nous évitant la pesanteur judiciaire, je vous l'avoue, ne sont pas loin à cet instant de me convaincre. Hélas, par précipitation sans doute, j'avais déjà mandée la maréchaussée. Là, Michel s'estimant à juste titre trahi, mettra assez de mauvaise volonté à se soumettre à un test d'alcoolémie pour que tout ça nous porte, dépanneuse comprise, aux alentours de deux heures du matin. Le bonheur total, évidemment, vu que je me levais à six...



Bref, après deux jours consacrés à mettre enfin au point un rendez-vous avec mon champion visiblement débordé pour l'indispensable constat "amiable", j'ai dû finir par remiser l'approche diplomatique et hausser le ton afin de vertement inviter Michel à venir signer les papiers à la gendarmerie. Option payante car au bout de négociations assez crispantes, j'ai fini par obtenir le papier indispensable aux démarches pour que je me fasse indemniser (tout est relatif quand on connait les prix actuels des voitures d'occasion). Inutile de préciser que Michel (ne cédant en rien à sa digne épouse) possède des capacités hors-normes pour proposer des réalités alternatives. Netflix devrait se positionner dessus. Entre les barrières de chantier qui lui sautent dessus sans prévenir pour lui faire peur, le trottoir qui, comme ça, sans raison particulière, traverse sans regarder ou le chauffard en pleins phares à contre-sens (qu'aucun témoin n'a aperçu, fatalitas) qui le pousse à un virage express se terminant dans ma bagnole, il a de l'imagination à revendre, l'animal. Le problème, c'est qu'on aboutit inéluctablement, une fois la poussière retombée, à un taux d'alcoolémie fort honorable, un excès de vitesse conséquent et deux véhicules à la casse, le tout certifié par les gendarmes appelés sur les lieux, mon pauvre Michel.


Résultat de la fantasia des enjoliveurs, je n'ai plus de voiture avant au moins un certain temps, ce qui me condamne à aller pêcher en bas de chez moi, où, déjà, il n'y a plus d'eau, alors qu'on est en pleine canicule, ce qui fait que je vais risquer la crise cardiaque pour la prise de la moindre perchette. Il y a certainement des façons moins déprimantes d'entamer ce que les Anciens appelaient la Belle Saison et ce que nous sommes en train d'appréhender comme une implacable épreuve de survie avant d'avoir à affronter les tempêtes automnales et leurs pluies diluviennes. Bienvenue dans la dystopie dont nous sommes les héros...
 

 

mardi 24 juin 2025

Apocalypse now

À l'issue d'une semaine d'arrêt de travail, il était temps de retrouver les rivières du coin et, surtout, d'essayer la canne L de voyage que j'avais reçu pendant que j'agonisais pépère. Première constatation : oh punaise...

Le niveau a bien morflé. Il faut dire qu'entre l'arrosage non stop des milliers d'hectares de maïs en amont, la vague de chaleur record et 200 000 métalleux et quelques à refroidir à la lance à eau, on est pas vraiment dans le cycle écoresponsable dans le secteur. Fun fact : la Sèvre nantaise est translucide en amont du site du Hellfest. Mais elle est teintée, marron même, en aval et sent un peu. Bizarre... Mais qui suis-je pour insinuer de telles incongruités ? Bref, il n'y a plus d'eau. Quant à la fameuse 5 brins 2-8 grammes, elle risque fort de se révéler un poil trop raidasse à mon humble avis pour les farios, pitête même pour les perchaudes. Certes, elle ne m'a coûté que 30 euros. Mais ce n'est pas l'achat le plus judicieux de ma morne existence de consommateur bafoué.

Cependant, comble du raffinement, c'est avec une AR-S Blux de deux grammes que j'ai évité avec une certaine faconde la bredouille qui me guettait. Une perche-soleil, un rotengle, ouf, on sauve les meubles. Je prends aussi deux gardons dont un gros mais de manière assez lamentable, dois-je dire, je les décroche avant même de les immortaliser.

Ce sera hélas tout pour la soirée. L'eau est basse comme jamais, transparente et les températures sont toujours très élevées. Un délicat parfum d'œufs pourris règne en amont où les algues se décomposent au soleil. En aval, ça sent très fort le caca, ce qui est une véritable incitation  à faire du paddle ou du canoë.


Voilà donc arrivé de très bonne heure cette année, le désagréable moment où l'on ne peut plus esquiver le moment de réflexion sur la pratique de la pêche par ces conditions de sécheresse.