dimanche 12 février 2023

Le monarque déchu

 

Entre ici, Seigneur Devon avec ton terrible cortège. Peu de gens s'en souviennent aujourd'hui mais le devon régna quasiment sans partage durant l'entre-deux guerres sur le petit monde des pêcheurs sportifs. Les articles de la presse spécialisée de ces temps héroiques lui attribuaient même à tort ou à raison (le pêcheur n'est pas toujours une référence fiable quant à la véracité formelle de ses assertions) plus de 90% des prises de salmonidés. Affublée à son corps défendant de noms plus effrayants les uns que les autres, cette arme de destruction massive de la ressource halieutique n'avait qu'un seul défaut mais qui était en ces temps reculés de taille : celui de provoquer un vrillage maousse du fil, généralement du gut, employé par nos valeureux viandards d'ancêtres ratissant les gaves et radiers à la recherche du dîner du soir ou du lendemain.


D'abord essentiellement fabriqués en métaux et alliages divers par d'éminents artistes, c'est à la fin des années 30 que Pezon & Michel distribua le Rublex, conçu par Robert Bocchino, leurre qui était ni plus ni moins qu'une révolution pour l'époque car on était en présence d'un devon "souple" ou pour le moins enrobé d'une couche de matière plastique fort avant-gardiste le protégeant des frottements incessants sur les lits de galets qui sont le coeur de métier du tabasseur de salmonidés. Ce leurre n'allait pas tarder à franchir toutes les étapes vers le sommet en devenant un attrape-saumon de premier ordre. Hélas, sa célébrité ne connut pas l'étendue que ce produit-phare méritait. En effet, la seconde guerre mondiale devait momentanément mettre au deuxième plan l'activité des pêcheurs de saumons en restreignant les déplacements, voire en les limitant arbitrairement au périmètre exigu d'un Stalag quelconque.


Il faut dire aussi pour nous replacer dans le contexte que Pezon & Michel était alors un mastodonte de la pêche à la ligne, une entité industrielle forçant le respect, un chantre de l'innovation à la Française faisant rayonner haut et fort Amboise, l'orgueilleuse mégapole des bords de Loire, bref autre chose que l'entreprise actuelle qui se contente vilement le plus souvent de rebadger du aliexpress en s'offrant une marge conséquente sur le dos d'un public essentiellement composé de juvéniles mal dégrossis.

Voilà, le mois de février peut avoir une utilité finalement. Celle de trouver le temps de tapoter un clavier en déliquescence tout en calomniant divers acteurs de la pêche moderne du futur de demain car vous me connaissez, j'ai le fond mauvais, la bile acide et la vindicte tenace. Poil à la nasse !!!




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