Nonobstant les cas particuliers que constituent sociologiquement certains îliens ombrageux des Andamans, quelques indiens amazoniens associant avec bonheur piercing et recyclage écoresponsable de CD Rom ainsi que beaucoup d'électeurs conservateurs plus ou moins ruraux songeant avec nostalgie à la fin des bagnes pour enfants, des gibets municipaux et de la carrière de Michel Sardou, la majorité des gens aspire à vibrer à la nouveauté. Pour tout dire, c'est même, avec le crédit à la consommation et les tranquillisants en vente libre, un des piliers de nos sociétés modernes, ça, la nouveauté. Le neuf est mieux, toujours mieux, encore plus mieux que le vieux. Le publicitaire joue sur du velours en moderne Saint Rémi en nous susurrant qu'il va nous falloir brûler ce que l'on a adoré et adorer ce que l'on a brûlé. Rasez moi le Parthénon et foutez moi du Formica. Faut que ça brille, que ça scintille, que ça en mette plein la truffe aux péquands d'à côté, je veux oui, pas de la camelote de l'année dernière, non mais des fois, j'ai une pas une tête de Sarthois !!!
Pourtant la nouveauté est une notion relativement galvaudée dans notre petit univers de rabouilleurs madrés, passant la moitié de leur temps éveillé à trousse-culotte, faisant baisser la garde aux goujons complaisants et aux perchettes curieuses remontant le nuage de vasouille annonciateur de bombance. Je dirai même plus : en pêche à la ligne, la nouveauté n'existe pas ou si peu. Regardez ce qu'on nous vendait au début de ce millénaire, en ces temps bénis où j'avais du souffle, plus de cheveux et encore un ménisque en parfait état de marche, comme l'anti boîte à leurres bordélique : le protège triple. Et bien, le protège-triple était déjà vendu en 1954 avant de disparaître des étals car le pêcheur français préférait les tailler dans un bouchon de liège ayant eu pour utilité initiale de boucher un cruchon de picrate, ce noble compagnon des parties de pêche réussies.
Il y a quelques années, Illex, distributeur des leurres japonais Jackall Bros, avait proposé à nos chéquiers fébriles une série de leurres baptisés du nom de méchants de films d'horreurs. Tout le monde se souvient du Freddy qui connut le succès chez les pêcheurs de brochets. Un peu moins du Jason qui, marabouté par la malédiction du vendredi 13 (surtout celui du 13ème mois de l'année d'après l'association des amis de Didier Raoult d'ailleurs), ne mérita pas l'onction du public. Dans les années 30, les méchants ne peuplaient pas les cauchemars des adolescents en les poursuivant avec des ongles manucurés chez Arcelormittal ni ne hantaient les colonies de vacances désaffectées tuant le temps en aiguisant leur couteau de chasse. Non, ils portaient la moustache ou des chapeaux rigolos avec des plumes, gigotaient en hurlant, vaguement éructant mais toujours applaudissant aux défilés militaires dont étaient prodigues les actualités cinématographiques. Mais qui aurait eu à l'époque l'idée de nommer ses produits le Mussolini minnow, la cuillère Adolfix ou l'amorce Stalinor, "les Poissons en veulent encore" ? Heureusement que la fiction était là.
Fantômas, avant de devenir trente années plus tard cette chose en latex moldave troisième choix à l'élocution pâteuse et au rire plus artificiel encore que celui d'un clone aphasique de Michel Drucker, poursuivie vainement par Louis de Funès et malheureusement popularisée par une trilogie désastreuse qui est au cinéphile un peu ce que Jul est à Gustave Flaubert, était un vrai méchant. Un furibard. Un mix de maffieux russe, de brigand afghan et de contrôleur fiscal après deux coupettes de Spritz. Tiens, c'est simple, le Fantômas, il se serait planqué dans la ferme de Tarnac en menaçant d'éditer des fanzines prônant la reprise individuelle, l'amour libre et le service national obligatoire d'un an dans un squat de punks à chien, on lui collait 100 mégatonnes dans les gencives pour ne pas prendre de risques. Du coup, je suis désolé pour Illex mais ce n'était pas une idée véritablement novatrice.
Mais d'autres produits soit disant révolutionnaires méritent que l'on s'y attarde. Voire qu'on s'acharne dessus avec la méritoire opiniâtreté d'une bande de jeunes surnuméraire piétinant un isolé vivant dans un autre quartier. Les esches naturelles artificielles sont soit disant une avancée majeure dans la pêche moderne. Bon, je veux bien concéder quelques points là dessus. Je connais un pêcheur ligérien dont je tairais le nom exact (sauf si tu es d'accord, hein, Benoît, pour que je prenne, en révélant ton identité, quelques menues libertés avec les règles liberticides de ce programme de protection fédérale des témoins à charge dans les poursuites pénales concernant les narcos mexicains) et qui pêche régulièrement avec une teigne artificielle Berkley affublée d'une micro hélice. Ce qui, certains jours, rend complètement fous les chevesnes. Pour en avoir été témoin, je ne peux que m'incliner. Oui, certains appâts artificiels s'imposent d'eux-mêmes. Ce qui n'a pas semble t'il été le cas de leurs vénérables prédécesseurs. Pour finir sur le sujet, sachez tout de même que j'ai connu un échec cuisant avec les faux vers de vase de la marque Dudule... Leur odeur, rappelant vaguement le souvenir olfactif terrifiant qui accompagne la découverte subite des tanneries de Marrakech, est une injure au vivre-ensemble. D'ailleurs, depuis que j'ai ouvert un jour de folie ce pot maudit, je vis seul. Ce qui fait que je suis 5 fois plus nombreux que tous les militants de l'UPR réunis. Du coup, le respect des jauges à table me pose un problème quasiment insoluble que je tente courageusement de sublimer en relisant tous les articles de la constitution européenne mais en finlandais.
Parmi les vastes étendues désolées où errent les lémures des objets obsolètes n'ayant pas pris ce long chemin vers le sommet que l'on prend si l'on veut à tout crin faire du rock'n'roll d'après quelques bardes australiens d'antan, les bottes à chaînettes m'ont tout de suite ouvert des perspectives dorées. Qui, en effet, plus que moi a collectionné les gros gadins rivulaires ces quatre dernières décennies ? J'ai envoyé un courrier recommandé à l'établissement toulousain (à priori ils n'auraient pas le minitel). On verra de quoi il en retourne mais je vous promets avec une solennité digne d'un transfert des cendres de Lagaf' au Panthéon que vous aurez des nouvelles de cette transaction. Ou pas car parfois, le Méridional est facétieux.
Déjà, les "Anonymous" de la pêche d'en bas cherchaient la petite bête.
En voila bien assez pour aujourd'hui. D'autant que les semaines à venir risquent d'être malheureusement propices à la prose et un peu moins à la pêche à la ligne. J'espère cependant être assez audacieux pour me rendre à Paris taquiner la perche à l'aide d'appâts pour le coup parfaitement naturels mais chut, vous le saurez bien assez tôt !!!
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