jeudi 21 janvier 2021

Label d'époque...

La pêche à la ligne est une activité pleine d'imprévus. Quoique puisse véhiculer depuis des lustres l'imagerie d'Epinal du pêcheur assoupi à l'ombre d'un saule complice, fixant d'un oeil mi-clos un flotteur gros comme un navet transgénique primé au Salon de l'Agriculture intensive restant immobile depuis une éternité, il faut garder à l'esprit que celui-ci peut se révéler à l'occasion dynamique, réactif, pas du tout légumier dans l'esprit. Je parle bien évidemment du pêcheur. Certains chevaliers de la gaule, à l'instar de métazoaires du Cambrien conquérants, refusant la triste logique de l'assistanat, savent en effet (et c'est heureux) dans l'adversité se révéler au monde comme forces de proposition...

Mais le pêcheur à la ligne ne se contente pas lorsqu'il déchaîne ses potentialités démiurgiques de tourner habilement la réglementation liberticide en vigueur. Il est aussi un fin observateur du milieu aquatique, un zoologiste averti et un ami de la Nature avec des idées bien arrêtées sur la gestion des populations piscicoles. Il ne s'arrête pas dans la sinistre vasière aux idées reçues ni ne s'abîme dans le colportage de ragots déplorables. Non, pas de ça chez nous. Ce n'est pas le genre de la maison.

Mieux, il est souvent un oracle malheureusement ignoré tel une pauvre Cassandre en cuissarde. Pressentant l'arrivée des malheurs, du poisson-chat au cormoran, du hotu au quota journalier de captures, il a de tous temps su couiner aux vieilles lunes que demain serait un champ de ruines. Déjà, le croirez vous, le pêcheur français alertait sur les dangers du "Saume", un vorace destructeur, grand amateur de charognes (jusqu'à ce qu'il finisse par s'éduquer gustativement parlant et se mettre à préférer les caniches abricot d'après la rumeur publique) alors que Philippe Pétain n'était que colonel.


Aujourd'hui, malgré écrevisses blindées mutantes, gobies venus du froid et plantes exotiques squattant le moindre fossé aux premiers éclats printaniers d'un soleil pour le moins timide, nous conservons dans notre ADN de rôdeur de berges cette faculté innée à refuser la bredouille en agissant en vrai bonhomme. Nous sommes encore et toujours prêts à asséner à un public muet d'effroi des révélations réfutées par tout le monde y compris France Soir, Sputnik et Raoult Magazine. Pour conclure, jamais nous ne nous risquons à prédire une apocalypse imminente et inéluctable à cause d'un poisson ou d'une plante invasifs. Nous avons appris des erreurs du passé. Nous avons mûris. Bref, comme Nicolas Sarkozy à la primaire des Ripoublicains en 2016, nous avons changé. Ou pas. L'autopsie le démontrera.



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