Le confinement thérapeutique : Des mots, toujours des maux...

Déjà qu'entre gentlemen de notre condition, on en arrive à se souffleter virtuellement entre prolos bornés du spinning ancillaire et talons rouges en perruque poudrée pratiquant le casting en dentelles, gros manouches tricoteurs de Mepps rouillées et aristos posant la mouche sèche à la délicate, funambules maniaques traquant le brochet éduqué en fluoro de 22°° et maillocheurs roturiers forts des Halles treuillant la perchette au câble d'amarrage, franchement, comment voulez vous que les pêcheurs à la ligne parviennent un jour à parler d'une seule voix afin de faire valoir leur parole puis leurs droits par delà leurs différences ?

Je ne parle bien sûr pas ici des cas désespérés : les écorcheurs de rotengles aux trognes à la Emile Louis, des piqueurs récidivistes d'asticots et autres vils nécromants du vairon sentant bon le méthanol. Je pratique la décence, moi, monsieur !!! En effet, pour être un pêcheur respectable à l'aune de l'esprit du temps, il faut refuser le naturel même s'il revient au galop. Hors de l'artifice, point de salut. Là se trouve le gravissime premier point de non conciliation.

Autre sujet clivant s'il en est : notre addiction néfaste à l'innovation technologique. Vous savez hélas comme moi que ce qu'on nous vend comme tout nouveau tout beau reste en règle générale un truc basique, connu de tous voire même des Briérons qui pourtant se posent là en tant qu'ethnie primitive réfractaire aux innovations technologiques allant plus loin que le tire-bouchon en os de ragondin béni par le druide local qui est souvent aussi le tenancier du bar-PMU de la place du village. Mais c'est un fait acquis : il y a eu, il y a et il y aura les modernes et les passéistes. Je vous rassure, c'était déjà le cas il y a un siècle !!! Bien que nous nous en défendions avec des trésors de mauvaise foi, nous versons trop souvent dans l'ornière rédhibitoire du consumérisme compulsif. Notre temps de cerveau disponible est-il si réduit finalement dans ce tourbillon incessant où le moderne du matin devient l'espace d'une page de publicité le has-been du soir ? Je regardais l'autre jour un catalogue Megabass tout en gardant la posture altière du Penseur de Rodin (ce qui ne m'empêchait pas de lutter d'un sphincter décidé contre une constipation tenace, je vous rassure) et je me disais qu'il était assez incroyable que d'une année sur l'autre, une marque de luxe se sente obligée de sortir 30 nouveaux modèles de leurres durs. Bien sûr, vous allez m'expliquer la vie en me sortant qu'on est plus dans le signe ostentatoire de richesse et/ou la collectionnite virulente que dans l'esprit "pêche pratique". Parce qu'entre nous, avec un Senko en wacky, un rubber jig avec un trailer écrevisse, un Sammy 100 et un swimbait pas trop gros, vous avez de quoi pêcher le bass sans vous ruiner, voire même pas pour le prix d'un seul des leurres nippons évoqués ci-dessus. Mais bon, qui suis-je pour douter du paradigme segmentaire d'en haut ?

En parlant de modernité, pendant que je vous tiens, ne trouvez vous pas étonnant qu'à l'heure où tout le monde peut parler à tout le monde, il soit si difficile de faire entendre raison à tous ces abrutis qui nous accablent de leur stiltulogie grapillée de la veille sur le dernier post facebook d'un naturopathe anti-vaccin pro-hydrochlorhexydine affirmant que les morts du covid19 ne sont pas morts mais sont montés dans un hélicoptère banalisé du Mossad pour aller se cacher aux îles Kerguélen dans un but non avoué de nous coller des puces de la 5G avec le vaccin de Bill Gates financé par George Soros ? Ah cette magie du forum Internet où les élucubrations du trou de balle, survivant les cheveux gras collés à son front moite, le survêtement taché contenant difficilement sa panse molle, caché dans sa cave équivalent au raisonnement du Prix Nobel, ce social-traitre nanti suspecté d'intellectualisme anti-Gilet jaune de toute façon.

Chaque année, pour en revenir au sujet "Pêche" dont quelques mois de confinement ont failli nous éloigner définitivement, nous pouvons lire sur ce genre d'espace de discussions, avec  parfois une certaine délectation mais trop souvent un malaise diffus, les complaintes de contrevenants invariablement victimes de l'aveuglement des bourreaux sans coeur que sont les garde-pêches. Ah les pauvres gens humiliés, vilipendés, sanctionnés pour un simple oubli d'achat de carte de pêche ou une pêche en réserve à 12 cannes posées. Franchement, dans quel pays vivons nous ? Rappelons nous le fameux réquisitoire de cet avocat général qui obtint la tête de Raboliot pour une simple affaire de simples sans ardillon oubliés : "Pour finir avec ce réquisitoire que j'ai voulu humain, certes, mais tout de même raisonnablement implacable  , mesdames-messieurs les Jurés, je tiens à rappeler que l'accusé a été surpris avec une gardonnette en main et en l'absence manifeste de tout permis de pêche. Alors je vous pose la question, mesdames-messieurs les Jurés : que voulait-il faire avec cette gardonnette ? Une friture d'ablettes innocentes arrachées à l'amour de leur famille par un pinkie aguicheur ? Une razzia de gardonneaux frétillants destinés à une fin sordide, empalés sur une monture au nom balkanique imprononçable ? Une rafle de petits cyprinidés dont le destin funeste aurait été d'attendre la mort, un hameçon dans les naseaux, sous un flotteur fluo ? En votre âme et conscience, sachez qui vous enverrez à l'échafaud !!!" 👀

Par un étrange phénomène, sur un forum de pêche, des gars de bonne volonté cherchent quasi systématiquement à venir en aide au braconnier. Tout le monde passe son temps a gueuler sur les agriculteurs, les pollueurs, les bracos mais quand un gars se fait piquer la main dans le sac, c'est l'union sacrée pour lui épargner la prune. C'est beau, l'humanisme quand il se fait pratique au service de l'opprimé. Ou devrait-on plutôt parler de candeur ? On peut se poser légitimement la question, je le crains.

Est-ce là l'exercice obligé de ce mode de communication que de prêter crédit aux affirmations puant l'escroquerie à mille lieues ? Car ce type d'arnaque aux bons sentiments envers son prochain se disant dans la mouise se répète ad nauseam sans que la prise de conscience collective ne joue. Le gars poste une question quelconque qui est illico suivie de quelques réponses plus ou moins pertinentes et/ou enthousiastes à l'idée d'apporter les Lumières d'une sapience universelle à un débutant aussi dégourdi dans un rayon pêche qu'un Heterocephalus glaber l'est devant l'arrivée subite un semi-remorque moldave lancé à pleine vitesse et là, patatras. C'est le drame : jamais de reconnexion de "l'intéressé" ou, pire, le gars se met à développer en récompense des services gracieusement offerts à son questionnement un discours de troll de compétition plongeant ses interlocuteurs dans le plus complet chagrin car eux, ils avaient été gentils, serviables, sociaux-démocrates en diable. Tant de gentillesse vaine me laisse pantois et surtout m'inquiète quant à la vulnérabilité des serviables vis à vis de l'hydre publicitaire et de ses serviteurs matois à l'affut. Ne pas sentir le con aux aguets est bien la faiblesse la plus dangereuse en ce bas monde.

Pour continuer dans cette veine allègre et primesautière qui a fait la renommée de ce blog, sachez que quand j'entends le mot "Sponso", je sors mon Charles Baudelaire : « Mes chers frères, n'oubliez jamais, quand vous entendrez vanter le progrès des lumières, que la plus belle des ruses du Diable est de vous persuader qu'il n'existe pas ! ». Attention, il s'agit là d'une métaphore. Je n'accuse en rien les sponsorisés d'avoir des cornes, des sabots et de provoquer un coup de grisou à chacune de leurs nombreuses flatulences publiques (c'est ça de se nourrir chez McKraDo). Que nenni. Diantre. J'essaye juste de faire passer le message effroyablement basique qu'une certaine distance critique est toujours la bienvenue quand on écoute un homme politique, un vendeur de voiture d'occasion voire même un type bardé de logos qui poste sans même se fendre d'une présentation lacunaire de sa vie, son oeuvre, sur le plus grand forum de pêche de France & de Navarre afin d'avoir soit disant des "avis objectifs" sur une "nouveauté" distribuée en exclusivité par son "partenaire". Dis, Gonzo, tu prendrais pas les gens pour des truffes des fois ?

Toutefois, à titre purement personnel car voyez vous, j'ai mes petites exigences, faut pas croire, je préfère l'AOC "Sponso" qui véhicule l'image d'un Centaure sourire Colgate, les pectoraux moulés dans une chemisette lycra bariolée de sticker et brandissant au bout de ses bras d'haltérophile bronzé des poissons d'une taille telle que l'on devrait, nous autres, avec nos biceps d'experts-comptables rachitiques, échouer au tractopelle  plutôt que l'emploi de terme plat, voire générique de "Partenaire" dont quelques esprits chagrins pourraient penser qu'il fait plus brochure d'information prophylactique que passeport pour le rêve halieutique 😜Mais cela est un choix personnel, j'en conviens 👅

Pour conclure sur une note de jovialité légèrement surjouée  , je crains qu'un individu moins équanime que votre serviteur puisse à l'occasion se laisser aller jusqu'à considérer aventureusement les assertions opiniâtrement condescendantes comme archétypales de la production de présumés pisse-vinaigres aigris par de longs mois confinés face à leur connerie, leurs complexes d'infériorité lié à une scolarité déplorablement médiocre (ou un de supériorité lié à une position sociale largement surestimée par leurs soins diligents) et de par là même plus ou moins avides, sauf erreur de ma part, de déclencher pour "exister" une de ces petites prises de bec bien puériles sentant fort le vieux slip fermenté en sac de sport en cuir qui font tant pour la "renommée" de certains fora consacrés à l'origine à la pêche à la ligne et ses dépendances. Ceci est certes humain mais aussi fort dommage car un forum, même si on en a un peu oublié le postulat, ça devait servir aux origines à échanger des renseignements moins qu'à aider l'industrie chinoise à surmonter la crise et en tout cas, certainement pas à servir de caisse de résonnance à des gens qui aiment à raisonner, oui, mais hélas comme un tambour.