Peu de gens le savent mais la marque HEDDON est une des plus anciennes compagnies de fabrication de leurres artificiels. Tout commença en 1902 quand James Heddon, l'illustre ancêtre, abandonna son noble métier d'apiculteur pour se lancer dans ce qu'on n'osait encore appeler le "garage craft". James fabriquait déjà pour son propre usage dans la cuisine familiale de Dowagiac, Michigan, des leurres en bois depuis 1894 avant qu'il ne se se décide sous la pression populaire à en faire profiter contre une honnête rémunération ses chers compatriotes. Le plus ancien des leurres connus de James Heddon s'appelait sobrement la Frog. On peut, je crois, deviner facilement pourquoi.
Malheureusement, James Heddon décèda en 1911, âgé de 66 ans et ne put donc connaître l'étendue du succès de ses productions. En effet, bien des concurrents imitèrent sans vergogne ses leurres, ne les modifiant qu'à la marge pour éviter des procédures pénibles suite à des mises en accusation de se livrer à la contrefaçon, les veules. James Heddon, fin pêcheur de black-bass ne négligeant aucun détail retenu des milliers d'heures qu'il passa au bord de l'eau, créa une série de leurres baptisés Dowagiac en clin d'oeil au berceau de la famille. En 1902, pour les grands débuts de la firme sortit le Slopenose Dowagiac Expert dont la carrière fut courte car la production s'interrompit juste après le décès de James lorsque que Will Heddon, son fils, reprit les rênes de l'entreprise.
Les deux autres versions estampillées Dowagiac connurent deux destins différents : le Underwater Expert fut retiré des rayons en 1904 mais le Dowagiac Minnow 100, lui, continua à rencontrer le succès et des millions de black-bass pas commodes jusqu'en 1939...
Pour la petite histoire, la légende raconte que toute cette aventure familiale débuta alors que James Heddon assis sur un banc au bord du lac municipal de Dowagiac attendait un ami appelé Godot (si, je l'ai vu sur facebook) qui évidemment ne vint jamais. Entre temps, d'un Opinel méticuleux, James avait tué le temps en taillant quelques innocents bouts de bois avec lesquels il s'essayait distraitement à faire des ricochets quand, ô destin farceur, un énorme bass surgit et goba le bout de bois. Frappé par l'évidence comme Isaac Newton le fut par une pomme et Robert Bruce par une toile d'araignée, James Heddon se décida alors à créer des leurres artificiels en bois. Petite cause, grands effets. Dans les années 20, la firme Heddon était devenue en 20 ans sous la houlette de Will Heddon la plus grande marque de matériel de pêche au monde !!!
Pour vous donner une idée du poids de la marque, elle avait une flottille d'avions publicitaires. Que ne faisait-on pas pour faire connaître ses produits avant les réseaux sociaux, je vous le demande. Heddon avait tellement de fric à consacrer à ses avions que la marque alla jusqu'à recruter Frank Hawks, "l'aviateur le plus rapide du monde" qui à l'époque ne le cédait en célébrité qu'à Mary Pickford ou Al Capone. Vous me direz que Sakura a bénéficié de l'aura de JPP. Oui, bon, d'accord, j'ai rien dit, O.K ?
En 1939, avec l'apparition des nouvelles technologies incluant le plastique, Heddon joua la carte de l'innovation en mettant sur le marché un leurre appelé à des hautes destinées : le Zara Spook 9260, ancêtre de tous les stickbaits. Imaginez un peu la platitude bornée de votre existence sans leurres de surface ? Vous en seriez encore à l'âge du fer. Vous auriez l'air malin, tiens, avec votre Effzet DAM rappelant par l'année de sa naissance les pires moments de l'histoire allemande, espèce de salopiot révisionniste. Alors qu'en maniant d'un poignet soyeux votre scion mutin, vous pouvez désormais faire voguer nonchalamment votre Spook Junior sur les vaguelettes. Alors merci qui, ingrat ?
En 1955, la famille Heddon vendit la marque aux Murchinson qui eux-mêmes après moult tribulations finirent par la refiler à EBSCO, désormais une des 200 plus grosses boîtes américaines qui, détail cocasse, entama son existence par la vente d'abonnements de magasines grands publics destinés aux G.I mobilisés et déployés aux 4 coins du monde (sauf l'URSS^^). Aujourd'hui, certains leurres Heddon sont toujours produits et distribués parfois 100 ans après leur conception. Ainsi, le Lucky 13, matrice de bien des poppers actuels brille toujours par son efficacité.
Comment parler d'Heddon sans évoquer le River Hunt ? Apparu en 1929 dans sa version bois initiale, il bénéficia de l'apport du plastique et connu une seconde jeunesse qui dure toujours en se faisant rebaptiser River Hunt Spook.
Voila bien de quoi pousser les jeunes générations à la collectionnite inconséquente, briser des ménages installés, voire dans les cas extrêmes ruiner des pater familias jusqu'alors d'une tempérance et d'une parcimonie dépensière au dessus de tous les éloges y compris du FMI... Il me vient toutefois une idée urgente : celle de vilipender les odieux contrefacteurs britanniques qui, alors que les Yankees peu rancuniers du souvenir de Benedict Arnold leur ont sauvé les miches deux fois au siècle dernier, osèrent jouer les vils copieurs de l'oeuvre-pie de ce saint homme que fut James Heddon...
Ah perfide Albion, tu ne pouvais donc pas te contenter de tes actes ignobles coutumiers ? Il a fallu que tu profanes ce que nous avons de plus sacré en te vautrant dans la contrefaçon. Bravo. Et après ça critique les Chinois. Franchement, vous êtes tombés bien bas, les gars...
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