Exceptionnellement, en ce dimanche marqué par un vent du nord mutin en diable, j'avais rendez-vous avec un rude habitant des Côtes du Nord (comme on disait du temps de ma farouche jeunesse) pour une session navale. Bien sûr, le départ se devait d'être fort fort matinal mais le démarrage laborieux de mon véhicule s'est montré à deux doigts de tuer l'espoir d'une journée de pêche. C'est donc avec seulement vingt minutes de retard que nous nous retrouvons à la mise à l'eau d'un coin très connu du Morbihan. Le soleil paraît, la brume se dissipe et nous partons gaiement pour des courses lointaines !!!
Nous ne le savons pas encore mais nous allons écrire une des pages les plus poignantes de l'histoire pourtant féconde en désastres de la marine française. Le Radeau de la Méduse à côté, c'est du Pédalo à Center Park et encore, on va rester discret sur les détails les plus horribles. Inutile d'évoquer les voitures qui ne démarrent pas, le moteur oublié dans le garage ou la prise du moteur électrique qui part en quenouilles, les gens n'ont pas forcément besoin de savoir. Il faut rester dans le positif. Vendre du rêve. Du savoir-faire. De la maîtrise technico-tactique. D'autant plus que le poisson local est fourbe. Il se terre lâchement sous la jussie ou les nénuphars. Il ne mord que sous conditions et sous réserve des stocks disponibles, attention.
D'un autre côté, pour me faire l'avocat de la retenue des grandgousiers autochtones, le capitaine du fier esquif avait décidé de tester tous ses leurres-maisons avant d'affronter l'automne irlandais. Et je peux vous affirmer qu'à ce stade, il correctionne plus, le dabe, il pilonne. Les carnassiers locaux fonçent aux abris, le sismographe de la préfecture du 56 collapse sa mère et le CROSS d'Étel lance une alerte au tsunami !!! Malgré ce déploiement de force, hélas, pas la moindre touche franche et massive à se mettre sous la canne lorsque midi sonne le glas de nos espoirs de triomphe matinal. On repasse sur des tailles de leurres plus en rapport avec nos ambitions désormais en berne et là, grâce à cette providence du downsizeur dans le vent, l'ASP de Spro, Thierry sauve les meubles juste avant la mi-temps !!!
32 centimètres de bonheur qui font renaître l'espoir à bord. Il est temps de passer au casse-croûte et de souffler avant d'entamer sur des bases saines une après-midi que nous rêvons d'ores et déjà somptueuse !!!
Mais on repart malheureusement sur le même tempo. Pas de chasses, pas de touches, rien, nada, walou, le néant. Par chance, au bout de deux bonnes heures d'efforts stériles, j'avise comme un soupçon de poisson aux abords de nénuphars languides. Un whopper plopper balancé au ras de la berge plus tard, un joli bass le gobe, démarre en trombe et se décroche près du bateau. Non, je suis maudit des Dieux, marabouté du topwater, poursuivi par un destin contraire. Une touche au fond au spintail fire-tiger, une touche en surface au leurre à hélice translucide. By Jove !!! Nous étions si proches de trouver le pattern. Snif, snif. Il est déjà 16 heures, ça sent vilainement la fin de chantier quand Thierry décide de lâcher le grand large pour un bras secondaire emmitouflé de jussie. Je repasse au texan avec un faux One Up kesfishing blanc (soit ce qui reste quand on a tout essayé en vain) et là, ô joie ô bonheur, un brochet me fait l'honneur d'arriver au bateau. Avant de se barrer à 2 centimètres de l'épuisette. Macarel.
A cet instant précis, mon équanimité légendaire, celle qui fait de moi le pendant aquatique de Bernard Cazeneuve, est effroyablement proche d'atteindre son point de rupture. Fort heureusement, j'arrive à me maîtriser. Nous souquons alors vers la mise à l'eau, la tête basse, le coeur lourd et le visage rougi par le soleil. Quand, au chenal, à quelques dizaines de mètres du port, par extraordinaire, en jerkant comme un sagouin épileptique une imitation de Squad Minnow 65 agrémentée d'une touffe de poils flashy, je prends enfin une perche !!!
Le fameux dicton "vent du nord, rien ne mord" a montré ses limites mais il a fallu diantrement insister. Rendu fou de joie par cette perche relativement modeste, certes, mais payant des heures d'efforts obstinés, je continue sur ma lancée et, incroyable, une Mepps Aglia numéro deux Points Rouges Dorée, trouvée jadis dans la vase des rives de Loire, elle aussi customisée avec des trucs poilus, me rapporte à quelques encablures de la cale à bateau un jeune voyou écervelé.
Il était bien temps de gonfler les statistiques. En effet, dix heures de navigation pour cinq poissons piqués, on a connu plus intense. D'accord, la météo n'était pas vraiment avec nous, c'est un fait, mais le verdict reste implacable. On en a bavé pour pas grand chose. Mais c'est aussi ça, la pêche, quand on découvre un spot et ses mystères.
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