lundi 17 avril 2023

1945

George Orwell a eu son 1984, Steven Spielberg (et Dieu sait qu'il l'a regretté^^) son 1941 et David Peace, lui, s'est octroyé un quartet sanglant, 1974-1977-1980-1983, ayant fait connaître à un public incrédule toute la richesse culturelle du Yorkshire. Souffrez donc qu'en mon immodestie, je revendique ce titre incongru comme un manifeste personnel. En effet, ou néanmoins voire toutefois, comme vous le voudrez, je ne suis plus à ça près de toute façon, j'ai croisé pas plus tard qu'il n'y a pas longtemps un benêt jovial pêchant au leurre souple en deuxième catégorie. Lui faisant remarquer en gérant remarquablement la colère qui montait en moi (vu que j'ai fait option justicier en quatrième) que la pêche aux leurres artificiels facilitant la capture non accidentelle d'un brochet en deuxième catégorie avant le matin du 29 avril était haram, fils de chien d'infidèle, le crétin en question m'a rétorqué, sûr de son fait vu qu'il avait sans aucun doute vérifié sur internet au près de la fédération de l'Aveyron, qu'il avait le droit si le leurre souple n'imitait pas un poisson, nananananère... Devant l'insupportable faconde de l'individu, justifiant à elle seule le retour à ces bonnes vieilles méthodes punitives trop souvent délaissées de nos jours par une justice laxiste comme le pal, le bûcher ou l'écoute obligatoire des Fables de La Fontaine déclamées par Fabrice Lucchini, j'ai aussitôt appelé mon contact au plus haut niveau, c'est à dire Maurice, président de l'aappma locale, histoire que ça chie dans la colle, nom de dieu de bordel de couille !!!
 

Et bien, je ne vous cache pas que j'en ai eu pour mon argent. Maurice m'a d'abord demandé de préciser si le contrevenant était gitan. Ce qui n'était pas le cas, le débile étant manifestement l'ultime réceptacle de l'ADN de bien des générations de vinassiers indigènes rougeauds, catholiques et peu suspects de vouloir décrocher le prix Nobel. La nouvelle l'ayant déstabilisé en le poussant hors de sa zone de confort mental conforté probablement par ses 6 heures de Cnews quotidiennes, mon interlocuteur m'a alors avoué d'un air désabusé que de toute façon, il n'y avait pas sur le secteur (vaste, quatre rivières et quelques dizaines de kilomètres de berges...) de garderie d'astreinte... Les week-ends, les jours fériés et pendant les vacances scolaires !!! Ce qui reviendrait en gros à dire que les risques (ténus certes) de prunage ne concernent statistiquement que les gitans, les chômeurs et les décrocheurs scolaires (voire les trois en un si les gardes ont de la chance...). Bien heureux de le savoir. J'aurais pu économiser 105 euros à ce compte là. Bref, la situation n'est pas la même qu'en 1945 mais c'est quand même pas top.


On est même franchement en droit de se demander à quoi sert une aappma qui, pour ce qui relève du secteur, ne peut strictement rien contre les pollueurs locaux (essentiellement viticulteurs) et autres  irrigants sévissant en amont et ne peut même pas faire semblant de sanctionner les comportements délictueux. On rêve.

Certes, on est loin de l'état de déliquescence du pays à l'été 1945 mais on s'en approche petit à petit.

Les problématiques sur le fond restent éternellement similaires : une minorité sans scrupule, assurée de l'impunité, se torche avec la loi commune tandis que la majorité des bons gros couillons paye sans barguigner les cartes de pêche qui financent les alevinages dont les bracos se gavent (car on est bien d'accord, les milieux aquatiques sont de plus en plus flingués donc on ne se goberge même plus de s'en occuper ou d'en avoir vaguement l'intention...). Les gardes-pêche, on les croise une fois par décennie et encore... Si j'enlève les ouvertures de la truite, je n'ai pas été contrôlé dix fois en plus de quarante ans de pratique dont trois fois la même semaine par un somptueux intellectuel limitant ses talents répressifs à la seule île de Versailles sise en plein centre de Nantes !!!

Appliquer les lois, un problème récurrent en France, spécialement quand ces lois garantissent la protection d'un bien commun. Lorsqu'il s'agit de protéger le Capital privé, en général, la rigueur, voire la pluie de coups de matraques, est bel et bien au rendez-vous avec beaucoup d'avance...

 


Pour en finir avec ce pensum, force est de se rappeler que les gardes-pêche fédéraux (dont l'école a été crée par le régime de Vichy) de 1945 n'avaient pas affaire à quelques cas sociaux avinés qui font l'ordinaire de leurs héritiers actuels. N'importe quel plouc à l'hygiène déficiente pouvait sortir de son falzar douteux un P38 taxé à un Fridolin ou une Sten parachutée. Le moindre traîne-patin du plus insignifiant bled avait l'opportunité de détenir un stock mortifère allant de la Stielhandgranate 24 au pain de plastic. On se devait de traquer l'indélicat avec mesure, doigté, la répression tempo menuet... Sans compter que des groupes paramilitaires organisés comme les milices patriotiques d'obédience communiste devaient sérieusement renâcler au châtiment du brave prolétaire poussé au vol par les rigueurs du temps. Ah la guerre, grossss malheur...






2 commentaires:

  1. Cela dit le gugusse a raison : en Aveyron la pèche au leurre n'est pas interdite durant la fermeture du brochet en deuxième catégorie.

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  2. Oui, en Aveyron. Mais en pêchant quelque part entre Nantes et Cholet, il en est un peu loin de la juridiction compétente, l'olibrius... Même si, détail croustillant, le livret fournit avec les cartes de pêches 2023 pour la Loire Atlantique ne décrit nulle part les techniques autorisées dans le 44 pendant la fermeture !!! Techniques limitées depuis une vingtaine d'année à mouche sèche, ver posé et ver sous flotteur de mémoire... Du coup, ça fait trois "moins de 30 ans" que je croise, qui au Worm, qui au Rubber Jig et le dernier ce soir, au ver manié. Tous convaincus d'être dans leur droit et de fait assurés de l'impunité (vacances scolaires : pas de garderie dixit le président de l'aappma locale). Vive la France.

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