Pour moi qui suis un peu agoraphobe (au sens où l'on entend que le yéti est légèrement asocial), les ouvertures de la pêche sont des moments où la balance hésite entre l'assouvissement de l'acte halieutique trop longtemps bridé par une réglementation coercitive et l'angoisse de devoir faire face aux hordes de concurrents frénétiques, voire, dans certains cas paroxystiques, entamer une conversation avec certains de leurs représentants. Cette année, privé de virée au Maillochistan par la sécheresse précoce, je me suis retrouvé en solo pour faire cette ouverture, sur une rivière sise entre Bassin parisien et Normandie dont le nom ne vous dirait rien. Enfin, en solo, je me comprends. J'ai tout de même emmené le molosse qui n'a pas failli à sa terrifiante réputation en essayant de choper une cane avant de s'offrir une petite baignade. Qui a dit que la pêche de la truite nécessitait de la discrétion déjà ?
Fatigué par les dernières semaines durant lesquelles je me suis livré à un labeur harassant entrecoupé de chutes homériques au sens simpsonien du terme, je suis arrivé à l'aube, vers dix heures du matin, sur les berges riantes de ce petit cours d'eau folâtrant en toute innocence. J'avais juste oublié de prendre mon épuisette. Au premier lancé, sur une Mepps dorée à points rouges millésimée, j'enregistre la première touche. Loupée. Mais bon, ça commence plutôt pas mal. Malheureusement, je décroche plusieurs poissons dont la grosse truite du jour, toujours avec la même cuillère, avant de vérifier son triple et là, le verdict est impitoyable, ses pointes sont émoussées. Damned. Furibard contre moi même d'avoir commencé par pêcher avec un triple foireux, je remplace cette vieille Mepps par une cuillère de chez Ali achetée très récemment...
Là, ce n'est plus la même limonade. Cette cuillère de chez Blux imitant vaguement une AR-S Smith ne laisse aucune chance aux importuns. Profitant d'une vague apparition du soleil, je prends coup sur coup plusieurs truites sur un parcours miraculeusement épargné par la foule depuis l'aube. C'est du moins l'explication la plus plausible (en dehors de celle consistant à affirmer que je suis un demi-dieu de la pêche à la ligne bien sûr) pour cette réussite subite.
En insistant un peu pendant la pause méridienne, je complète le tableau en profitant de la baisse de fréquentation des berges. Au final, je prends 7 truites et 1 chevesne. Je ne vais pas me plaindre, on a connu pire...
Mais en début d'après-midi, une hanche grinçante, un chien pleurnichard et l'arrivée de nuages noirs qui viennent du nord couperont court à la poursuite de ce triomphe en technicolor. Youki n'en pouvait plus, la pauvre bête, et je n'étais pas plus gaillard à dire vrai après cette reprise d'activité halieutique de haute intensité.
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