mercredi 23 décembre 2020

Antiquités remarquables

Je sais, ce blog manque effroyablement de poissons tirés manu-militari de l'onde claire et exposés sans plus de chichis à l'admiration virtuelle du quidam 2.0. Ne m'en voulez pas trop. La seule justification qui me vienne à l'esprit consiste à mettre en avant mes disponibilités réduites et mon physique chancelant quoique en bonne voie d'amélioration. L'humidité régnant est aussi un facteur limitant car, souvenez vous en, je suis tout de même la quintessence bancale du keuplou cacochyme. Non mais...


Remontons donc ensemble le temps jusqu'en 1915. Alors que l'Europe s'entre-tue avec un bel enthousiasme, sur les berges de l'Ohio, la firme Harlow & Steinbaugh de Newark sort un des leurres les plus redoutables de tous les temps. Oui, redoutable. Mais surtout pour les mains des pêcheurs tant son système anti-herbes sous tension avait tendance à s'ouvrir violemment. Et pour anticiper la question qui vous brûle les lèvres, oui, le capitaine Crochet en a eu un alors qu'il n'était pas à jour de son vaccin anti-tétanos. Sauf que le lobby des fabricants de leurres a tout mis sur le dos d'un pauvre saurien chronophage. William F. Harlow et Johnny Steinbaugh auraient sorti le même leurre quelques décennies plus tard, ils auraient été crucifiés au tribunal par les Ralph Nader de la pêche du black-bass. Par chance, ces deux inventeurs avant-gardistes sont morts avant. Ouf.


Digne témoignage de l'engouement patriotique ayant embrasé l'opinion publique américaine après la nouvelle de l'attaque nippone qui ferrailla la flotte du Pacifique par surprise, le Shooting Lure, création du mécanicien Thomas G. Prentice, comprenait lui aussi un système d'éjection de l'hameçon à la touche le rendant virtuellement imperdable. On excusera le coloris très "Stars & Stripes". En effet, d'après certains historiens, l'effort de guerre américain aurait apporté sa petite pierre à la victoire finale sur la barbarie. Même le général de Gaulle a failli le reconnaître publiquement un jour avant heureusement de se reprendre.


Dans les années 30, Sainte Croix, entreprise basée à Stillwater, Minnesota, était, avant de devenir le facteur de cannes mondialement reconnu que nous connaissons, aussi fabriquant de leurres. Pas toujours, il est vrai, très respectueux de l'environnement. Le Neon Fire Fly, destiné à la pêche de nuit, irradiait une luminosité très coquette grâce aux 42 grammes de... Mercure planqués dans son nez transparent. Véritable cauchemar de Greenpeace avant la lettre, notre seul espoir est que peu d'exemplaires aient été vendus et surtout perdus en pleine nature.


Terminons par un de ces losers magnifiques qui nous font tant aimer l'envers du rêve américain : Harold Ensley, le Walter Mitty du swimbait vintage, celui là même qui osa affirmer que son "Sneaky Snake" (soit "Serpent sournois", une révérence peut-être mal venue pour certains pêcheurs conservateurs de la Bible Belt ?) était meilleur que les Rapala. A sa décharge, il faut préciser que l'époque n'était pas propice des masses à l'expression totale de la vérité. En plus, il avait une tronche à faire l'assassin dans un Columbo vintage.


Voila, vous devrez vous contenter de ça pour la journée. En effet, comme chaque année, il manque des trucs pour les Fêtes. Ce qui va m'obliger à plonger en une apnée risquée au milieu des hordes de zombies consuméristes parties claquer leurs minima sociaux dans une succession de joyeux clusters. Mais que voulez vous, c'est toujours plus agréable que d'être démocrate en Iran, pauvre en Russie ou contraint d'argumenter entre la bûche et le digestif sur l'hydroxychloroquine en face de fanatiques qui feraient, par leur érudition médicale fraîchement acquise, passer les sorciers préhistoriques qu'affronte sempiternellement ce bon vieux Rahan pour Louis Pasteur. 




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