samedi 14 novembre 2020

Le confinement nostalgique : les leurres souples faits maison

Avant de devenir un vieux machin attendant tremblant sur ses genoux cagneux le prochain déversement de mignardises venues d'Extrême-Orient pour un prix symbolique dans la boite aux lettre, sans un seul instant de commisération pour le fonctionnaire syndiqué bravant doublement la pangolinite afin de combler mes pulsions consuméristes en jonglant avec mes paquets potentiellement vérolés, j'étais un fervent adepte du recyclage. Pendant une dizaine d'années à quelque chose près, je récupérais à la maniaque les leurres souples éborgnés, éventrés, mutilés pour les transmuter en leurres maison...

Brochet de l'Erdre ayant succombé à ce qu'en dit la légende à un petit leurre souple
maison destiné aux perches agglutinées à la verticale d'un spot nantais bien connu...

Mes débuts dans la discipline relèvent un tant soit peu du mythologique. J'arrivais en effet durant un week-end de beuveries vaguement interrompues par des sorties pêche à écornifler quelques bricoles au Centaure de Gâtine, le fameux écailleur dont quelques couvertures passées de Détective portent encore témoignage chez les bouquinistes des quais de Seine. Mes premières expériences tournèrent, soyons honnête, à la catastrophe format Minamata. Heureusement mes appuis politiques locaux me permirent contre quelques pots de vin opportunément distribués à tout ce que le vignoble nantais compte d'arrivistes corrompus d'échapper au glaive de la Justice. Petit à petit, malgré tout, je finis par choper le truc et parvenait à sortir des leurres dont la consistance ne tenait plus du glaviot de tubard médiéval ni du vomi de conscrit russe. Hourra, le succès était là !!!

Un brochet aux dimensions étranges leurré par un Black Minnow odieusement
contrefait par mes soins, un jour de tempête à ne pas mettre un blaireau dehors.

S'ouvrit alors pour mes disciples et moi une ère de triomphe sans retenue qu'on ne peut comparer qu'aux succès achevés des meilleurs. C'est à dire dignes des Beatles, de Steven Spielberg ou de Roselyne Bachelot Didier Raoult & ses Complotistes. Ma modestie maladive m'empêche, vous le comprendrez facilement, de m'étendre sur les réussites que m'apportèrent ces petits bouts de plastique réchauffés amoureusement sur de vieilles plaques de camping et versés dans des moules en RTV conçus dans l'amour de l'art et de la contrefaçon artisanale dans le but de l'usage personnel sans cession à des tiers.

Perche ligérienne victime de l'alliance démoniaque entre une copie de Hide Up Stagger 3" et un attractant composé par un badigeonnage énergique d'huile de sardine concentrée. Un must.


Hélas, toute réussite porte en elle une part d'ombre. Pendant ces années insouciantes où je skippais d'un coeur léger au coeur des embâcles de la Sèvre nantaise mes créations suintantes d'huile de sardine, de pastis ou d'ail pilé, je délaissais de plus en plus mes leurres durs et métalliques, les reléguant toujours plus loin au fond de mon garage-atelier sentant les phtalates chauds, le tabac froid et la pisse de chat...

Bar breton qui succomba aux charmes d'un One Up 3" alors que j'errais solitaire
dans les vapeurs de gasoil, hésitant entre les taches de guano laissées par des
goélands incontinents et celles de vomissures, ex-votos tardifs de la marine festive...

Ravalés au terminus des industrieux, mes Rapala vintage, mes Lucky Craft rutilants, mes Mepps brillantes... Je n'avais d'yeux que pour mes créatures. J'étais leur démiurge et elles étaient mes choses. Dieu contemplant Adam n'avait, je le crois sans fausse modestie, pas plus de fierté que moi lorsque je sortis mon premier shad qui nageait droit, frétillait à la provoquante de la caudale et rendait folles les perches de Loire. C'était le bon temps. J'avais encore à peu près toutes mes dents, mes vertèbres me permettaient de danser le hula loop comme un dément toute la nuit et mon foie acceptait encore de filtrer la Téquila sans que je sois obligé de déranger des internes aux urgences pendant leur sieste.

Un shad de 3 cm de long, c'est ardu à fabriquer mais ça finit par rapporter quelques poissons-surprise.

Un jour peut-être, je retournerai à ces heures glorieuses. Je planterai gaillardement mes tréteaux devant le garage. Je sortirai la plaque chauffante, les chutes de leurres souples, les paillettes, le plastileurre et les coupelles à raclette !!! Le masque sur le museau, les lunettes au taquet, je ferai chauffer la forge et ce sera reparti comme en 14... Oui, un jour peut-être. Quand j'aurais épuisé mon stock aliexpress...



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