Un mystère nimbé de soufre entoure la réputation confiant au mythe de certains pêcheurs élus des Dieux et leurs capacités à ne jamais douter d'eux-mêmes. |
Pour ceux qui l'ignoreraient (et ça peut parfaitement se comprendre, rassurez-vous), un cryptarque est un souverain régnant sur une micro-nation ou une nation amplement fictive voire une station de pompage de pétrole désaffectée abritant une radio-pirate dans les cas cliniques les plus aigus. Lopes de Aguirre, "el Loco", sorte de Marcelo Bielsa psychopathe avec l'Eldorado remplaçant le maintien de Leeds United en premier league comme projet de vie, eût en son temps les honneurs d'un film rapportant sa démesure. Igor Ashurbeyli, homme d'affaire azéri, nourrit actuellement le projet de créer dans l'espace atmosphérique Asgardia, la première nation spatiale dont il s'est fait en toute simplicité nommer chef préventivement... Antoine de Tounens, avoué périgourdin, se proclama jadis roi d'Araucanie et de Patagonie provoquant l'écrasement des indiens Mapuche par l'armée chilienne, se retrouva capturé puis jugé fou à lier par les juges de Santiago et termina dans la misère, rêvant à reconquérir son trône. Célèbres ou inconnus, riches ou pauvres, sanguinaires ou doux rêveurs, tous ces individus n'avaient au fond dans leur existence comme suprême ambition que le souhait qu'on les appelle "Votre Majesté".
Avoir des projets ambitieux et vouloir à tout prix réussir dans la vie est le genre de plus-value qui illumine un CV et rend son propriétaire attractif pour les décideurs. |
Aujourd'hui, pour se faire couronner roi d'un territoire grand comme sa chambre ou son paillasson, point n'est besoin de partir à l'autre bout du monde agacer des indigènes ou des administrations coloniales. Grâce aux réseaux sociaux et les caméras GoPro, on peut se créer son personnage et devenir le souverain de milliers de gogos en mal de modèle à suivre. YouTube regorge de têtes couronnées qui sont autant d'Ivan le Terrible de la mare communale de Pedzouille-sur-Boulard, de Napoléon du swimbait banlieusard ou d'Edouard Balladur de la verticale lacustre. Rien qu'au hasard des salons de pêches, à chaque tablée identifiée par un logo quelconque, on peut demander audience à des monarques versant dans l'absolutisme condescendant par la vertu des Saints Stickers ornant leurs oripeaux... Oui, parfois ça monte à la tête, surtout quand il y reste de la place. Le brave petit gars qui a 10k abonnés, 50k de likes et d'autres preuves incontestables qu'il est l'oint du Seigneur, les miches sur sa chaise au Salon de la Pêche & de la Chasse à la Galinette de la Mothe Beuvron, c'est humain, il ressent souvent à son corps défendant comme un besoin urgent de se prendre pour Saint Louis sous son chêne rendant la justice aux ploucs scrofuleux incapables de s'arranger entre eux vu leur niveau calamiteux en matière de gestion de la colère. Mais malheureusement, il ne réussit la plupart du temps qu'à passer pour un gland... Ce qui est logique quand on sait ce qu'on trouve en général sous les chênes.
Discussion apaisée entre zélateurs du fluorocarbone et partisans du bas de ligne en titane. |
Nul n'est prophète en son royaume. Pourtant, en mon âme et conscience, je suis convaincu que ces personnes assoiffées sinon de reconnaissance, mais au moins de proskynèse procto-labiale exercée intensivement par leurs sujets zombifiés de la calebasse, n'ont pas que des défauts et manquent tout simplement d'un discernement certain. Il faut voir le verre à moitié plein et ne pas condamner les gens, seraient-ils sponsorisés, définitivement à l'aune de ce que d'aucun jugerait comme des peccadilles à peine dignes d'un passage à tabac à coups de chicote. Regardez Pol Pot, il adorait déclamer du Saint John Perse aux colonnes de rééduqués cheminant à l'aube vers les rizières où ils apprenaient à retrouver cette estime d'eux-mêmes abimée par le colonialisme. Eichmann n'était pas le dernier à jouer du ukulélé en imitant Luis Mariano pour l'anniversaire d'Evita Peron. Quant à Emmanuel Macron lui-même, il lui arrive de déposer son sourire vitrifié de carcharodon carcharias au vestiaire et de sourire candidement à la vie en mangeant en cachette de Brigitte un Cordon bleu mal cuit... L'être humain est complexe.
La Transnistrie, un petit état méconnu, à l'économie basée sur le trafic d'armes, certes, mais riche en ces grands sentiments à la sincérité propre à l'âme slave... |
Oui, il faut savoir faire preuve de pitié. Qui sommes-nous pour juger le moindre sac à merde pervers pourrissant la vie de son entourage dans une insupportable impunité ? Qu'est-ce que ça nous coûte au fond d'appeler "patron" un sinistre connard sociopathe que l'on rêve pourtant de balancer sans parachute du 15ème étage ou "monsieur le directeur" un salopard psychorigide à côté duquel Lavrenti Beria passerait pour Aurélien Barrau stoned à la californienne devant une rediffusion de Stranger Things ? C'est vrai, quoi, merde, à la fin, pourquoi toujours se plaindre ? Et bien parce que c'est dans notre nature de ne pas nous satisfaire de ce que l'on a. C'est donc pour cette même raison qu'il y aura toujours des gugusses à se rêver coiffés d'une tiare assis sur un trône, fut il en fer blanc. Le plus inquiétant, c'est surtout qu'il y aura toujours des crétins pour leur obéir.
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