Revenons un fugace instant quelques décennies en arrière. Nous sommes dans la torpeur de la brève ère pompidolienne : Edouard Balladur fait déjà vieux, les gauchistes de 68 commencent à hésiter entre le pavé rageur et le petit chèque en fin de mois, on se trémousse le samedi soir, en pattes d'éléphant, chandail en tergal qui gratte et rouflaquettes wolverinesques sur des rythmes endiablés...
La moustache n'est pas ringarde, la femme épilée est considérée comme gravement aliénée par le patriarcat crypto-fasciste et Giscard passe encore pour un type compétent capable de réconcilier 2 Français sur 3. Tout allait bien. En attendant d'aller mieux. Et la pêche dans tout ça, me direz-vous ? Et bien la pêche, comment dire... Elle est assez éloignée de nos préoccupations éthiques modernes...
Il faut dire aussi que l'époque ne se prête guère à la sensiblerie. Les trentenaires ne pensent pas à un shampoing ou à un pétard de drogue quand ils entendent le terme D.O.P... Les lois anti-pollueurs n'existent pas. On meurt par milliers sur la route mais certaines chaînes de stations-service offrent du vin de pays pour chaque plein d'essence. Les fonctionnaires profitent benoîtement de leurs acquis sociaux chèrement gagnés à l'issue de luttes syndicales sans merci...
Claude François est classé au Patrimoine. Les jeunes trouvent Mao super cool. On oblige les mômes, sortis indemnes de la Thalidomide, à porter du Thermolactyl hiver comme été ainsi qu'à arborer des coupes de cheveux qui, de nos jours, en dehors du contexte particulier de la Fashion Week, vaudraient un internement d'office^^... Renaud n'a pas de problème d'alcool, Michel Platini rentre toujours dans un short, Alain Juppé a encore des cheveux... Boulin, De Broglie, Fontanet : les ministres tombent comme à Stalingrad. Bref, c'est un autre monde.
Pourtant, par instants, s'esquisse un futur plein de riches promesses, de progrès fulgurants et de rêves inavouables genre page fesse-bouc, gro-po et sponsorisation : le monde merveilleux des fringues, du matos et des poissons super à la mode^^. Exit les Pierre Fouques et les Léon Blaireau ; pauvres vestiges dépassés d'une époque déjà lointaine quand certains "fins pêcheurs" étaient aussi, modernes Cartouche en cuissardes, héritiers de ceux qui défiaient jadis ; du temps de la roue, du fer rouge et des perruques poudrées ; châtelains, maréchaussée et autres archers du guet pour faire bouillir la marmite des "sans-dents" bientôt sans-culottes... Place aux insipides Bachelors du skipping ; nouvelles stars politiquement plus que correctement pasteurisées, à qui un sabir américano-analphabète tient lieu de toute science... Chaque société a les héros qu'elle mérite...
Mais revenons sur les rechutes advenues sur l'harmonieux chemin du progressisme halieutique... Fabriquer un fumoir facile et bon marché. Sans déconner. Je n'imagine plus trop ce genre d'accroche en première page de nos jours. A moins de vouloir pour le moins flatter une certaine clientèle... Quant à la gaffe utilisée, il faut vraiment traîner ses bottes aux tréfonds de l'Aisne pour en voir régulièrement de nos jours. Sans parler du titre un tantinet racoleur "Des anguilles comme vous n'en avez jamais vu". Aujourd'hui, ce serait "Des anguilles comme vous n'en verrez jamais plus"...
Bref, ce fut dur, ce fut long mais à force d'échecs, de faux-semblants et de désertification des milieux aquatiques, au moment où tous les voyants sont dans le rouge, que (surtout...) la vente de cartes de pêche s'écroule, paf, on passe enfin au quota de prises journalières. Colère des vieux rougeauds, blessés dans leurs droits fondamentaux à viander toute la semaine et voyant, la bave aux lèvres, s'éloigner légalement toute possibilité de se rembourser le permis sur un exercice annuel !!! Victoire pyrrhique des gentils-qu'ont raison pensant un peu aventureusement sauver le cheptel avec une mesure somme toute extrêmement symbolique !!! Encore une fois, on ouvre le parapluie après l'orage... Pour ne pas écrire l'ombrelle après le typhon... Un mauvais esprit comme le mien irait même jusqu'à considérer qu'un quota, quel qu'il soit, sans carnet de prise à remplir ni contrôles suffisamment dissuasifs, n'est qu'une coquille vide... Mais on m'objectera, à la sociale-démocrate lénifiante, onctueuse et soucieuse du vivre-ensemble jusqu'à en baisser son froc au moindre frémissement de sourcil émanant de Pierre Gattaz, que c'est toujours mieux que rien, qu'il vaut mieux voir le verre à moitié plein qu'à moitié vide et que c'est un pas dans la bonne direction...Ouais, ouais, ouais... Quand on est au bord du gouffre, ça se discute...
D'ailleurs, si on prend le temps de jeter un oeil sur certaines pollutions garanties de l'impunité par la crainte religieuse qu'éprouvent les pouvoirs publics de provoquer en quoi que ce soit l'ire vengeresse, basse du front et parfois légèrement alcoolisée de la mafia en tracteurs, on ne peut s'empêcher de penser qu'il est un peu tard pour se préoccuper de la qualité des milieux naturels, de l'éventuelle toxicité des poissons et, par ricochet, de la santé de ceux qui en mangent régulièrement...
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