lundi 1 août 2022

L'insupportable légèreté de la limule

Il est parfois des moments terribles dans l'existence. On trébuche, on faillit, on se croute comme une vieille merde. Notre premier réflexe tient alors en quatre mots dérisoires : "je peux tout expliquer", indispensable préambule bancal à une suite d'assertions dont la vraisemblance n'est pas souvent la qualité première. Dans mon cas, la catastrophe est relative : après tout, je n'ai pêché que quatre fois pendant mon séjour d'une semaine en Bretagne et pour une durée totale d'à peu près six heures, du bord, ce qui laisse à mon humble avis assez peu de marge pour corriger le tir en cas de choix de spot aussi productif qu'une marmotte syndiquée. Pourtant, tout avait bien commencé : au deuxième lancé, dans l'aube naissante, éclairant d'une ouate rosée la rade de Brest, un bar joliment calibré crève la surface en loupant, ce balourd, mon simili Asturie aliexpress que je maniais à la nonchalante sur cette grève ensommeillé mais rien à voir avec la marmotte, je ne fais pas de politique, je travaille sur BFM, voyons, bande d'inquisiteurs bolcheviques anti-tout !!!

L'équipe du Premier Jour...

"Palsambleu, la peste soit de ce gros maladroit" m'écriais-je alors, altier mais correct face aux embruns embryonnaires. Quelques minutes plus tard, à quelques encablures de l'attaque initiale, c'est de nouveau un client sérieux qui se loupe en fanfare. Je suis alors à deux doigts de m'agacer mais je conserve avec un aplomb admirable mon sang-froid légendaire en versant dans une frénésie de changement de leurres. En pure perte, soit, mais bon, j'avais envie de faire rouiller un peu l'attirail. Il faudra que je remette au bout de la ligne l'Asturie du début pour avoir ma troisième et ultime tentative d'engloutissage de topwater. Un pin's, certes, mais doté d'un enthousiasme juvénile que je tiens sportivement à saluer.

En vacances, on suit l'actualité de loin, le Paris Match en bandoulière entre le tube d'écran 50 et le paquet de gâteaux bretons Made in Italy. De quoi relativiser nos petites misères balnéaires comme les gosses qui marchent sur une vive ou le chien qui mange une méduse que de lire les ravages de l'inflation, les côtés désagréables de la guerre totale et surtout cette affaire de morses qui met la scène hip-hop groenlandaise sous les projecteurs...

Le soir même, après une journée passée à ruminer mon échec halieutique en visitant l'incontournable Musée armoricain du coprolithe intempestif, fidèle à mon naturel aventureux, je pousse la hardiesse en ses derniers retranchements : je me fais un café vespéral à l'eau du robinet. Ce qui, je le rappelle à nos jeunes lecteurs, est considéré dans le Finistère comme une tentative de suicide. Le résultat est brillant. Un gargouillis émane de mon estomac, ma bouche de vieille gargouille commence à lâcher des borborygmes dignes de Jean Lasalle à un concours d'éloquence et je dois me ruer aux cabinets pour évacuer les conséquences de ma bravade. Les vacances commencent bien et ne demandent qu'à confirmer dans cette voie, je ne vous dis que ça...


Pour fabriquer un kilo de dauphin, il faut dix tonnes de ces bestioles.
Alors respectez les plus petits que vous, bordel de merde !!!


Après cet épisode croustillant, il m'a fallu me remettre en ordre de marche. C'est chose faite le lendemain grâce aux gyrophares de la patrouille de l'aube. En effet, à la fraîche, les pandores venaient régulièrement dégager les surfeurs festifs squattant le parking vicinal en dépit de l'arrêté municipal. Les jeunes sportifs, amoureux de la nature, venaient aussi faire leurs besoins sur le terrain de notre location ou y rendaient à notre mère la Terre les excédents de merguez Lidl arrosées à la bière dont ils semblaient friands en cas de fringale nocturne. Quelle touchante tentative d'intégration à la culture locale, je trouve, de la part de ces Fridolins tatoués et autres blondinets musclés du Bénélux... Bref, à 5 heures pétantes, j'enfile les waders et fonce vers le lieu du drame. Ouille, on dirait bien que ça caille. Un nouveau record battu : 7°c à l'aube fin juillet... La semaine précédente, une journée y avait titillé les 40°c. Fin du suspens, je ne verrai pas un seul signe d'activité ni un oiseau sur le spot. Caramba, encore raté...

Le seul, l'unique, l'élu... Celui qui était à deux pouces de me sauver de la honte.


Est-il utile de préciser que je ne suis plus que spleen et courbatures dans mes waders néoprène forts appréciés par ce matin frisquet ? Heureusement une visite à Océanopolis et un road-trip au fin fond de l' Argoat occuperont les deux journées suivantes. Un instant, j'ai tout de même, c'est humain, hésité à prendre en loucedé une canne travel pour tenter quelques hôtes des aquariums mais je me suis repris in extremis, préférant bredouiller jusqu'au bout dans ce qui me tient compte d'honneur. Et ça pour bredouiller, j'ai bredouillé. La troisième sortie ne m'aura vu croiser qu'un phoque venu pique-niquer au ras de la plage. Un instant, j'ai cru que le pinnipède était en fait un plongeur de combat s'entraînant vu les installations militaires proches mais non, encore raté. Quant à la quatrième sortie, la seule en fin de marée montante, elle m'a vu galérer avec des millions de sprats à mes pieds à peine perturbés par une chasse d'un bar solitaire toute les heures. Punaise. Une bande de cormorans poussera le sadisme jusqu'à venir se repaître quasiment dans mes bottes de la manne maritime, m'obligeant à une piteuse retraite.

Merde à la pêche sportive !!! Vautrons nous par dépit dans le sybaritisme le plus échevelé
 en compagnie d'un compagnon fidèle, à l'haleine douteuse, certes, mais ô combien jovial...

Là, quand on est au fond du trou, avec le mojo de Dupont-Aignan, le mental d'un chamallow et l'estime de soi à l'altimètre -9000, il faut savoir se souvenir des leçons du passé pour envisager l'avenir. Sans oublier de perdre des calories au cours de zumba, si je me souviens bien de mon séminaire de développement personnel au centre culturel Dolly Parton de Châtelaillon-Plage (17). Du coup, je suis remonté grâce à mon 7ème Dan de méditation jusqu'à l'état primal, voire pré-cambrien, afin de regénérer mon sur-moi laminé par cette dialectique que je nomme d'une manière à la fois imagée et caustique "limulité parlementaire".


Car nous avons tous une limule qui sommeille en nous, depuis les débuts de cette grande aventure de l'évolution allant de la première cellule monocellulaire à Cyril Hanouna. Derrière des mandibules invitant difficilement au french kiss et une carapace rodée par des millénaires à ramper dans les sédiments douteux d'océans exotiques, nous avons un coeur qui bat et un besoin grand comme ça, les nuits de pleine lune printanières, d'expérimenter une sexualité balnéaire de groupe frénétique et... Hmmm... Je crains de m'égarer un tantinet. Mais j'espère que vous avez saisi le sens de mon propos visant à sublimer les stigmates de la bredouille au long cours. 



4 commentaires:

  1. En propos limulaire, je dirais que vous êtes surtout atteint de tardigratide chronique. Rien de bien grave au fond. Au fond de quoi? Là est toute la question. Comme disait Gérard L. dans son livre "Cuisinez comme un gros porc", il faut donner du gras au gras. Ce Haddock au Curry me semble trop light pour vous, préférez plutôt la recette du Capitaine Tintin dans le dernier opus du professeur Goossens intitulé "La porte de l’univers" aux éditions Fluide Glacial. Ensuite vous saurez tout sur tout, tout le temps. Vous deviendrez même un poil chiant. C'est la rançon de l'obscurantisme.

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  2. Et revoila le félibrige fébrile, plein de sa volubilité de méridional à la hâblerie triomphante dès qu'il peut se piquer le museau à l'anisette sur l'argent des impôts de la France du nord qui se lève tôt pour choper le covid dans le métro !!! Sachez, odieux histrion fleurant bon l'aioli, que je n'ai jamais joué les cténophores des Halles au château de Limulinsart comme une certaine presse vendue aux intérêts de Captain Igloo le susurre aux ouies des vulgaris piscis élevés à la 8°6.

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  3. Ha! Bon sang! Si je n'étais si vieux et lâche j'irai vous foutre un bon bourre-pif afin de vous faire fermer votre caquet de paltoquet, espèce de cénotaphe ambulant à la gloire des tardigrades!! je ne sais pas ce qui me retient... Peut-être la lecture des mémoires de Gérard Larcher "Mon Kombat", que je dévore avec la même volupté qu'une andouillette AAA arrosée de saindoux...

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  4. Gérard Larcher, c'est un peu comme la Bible, le Code pénal ou une polémique alcoolisée du Fishing Club : il y a toujours une assertion dedans qui annule la teneur de la précédente. Donc vous réfugier continuellement dans les écrits du Saint Homme afin de justifier votre lâcheté congénitale (compréhensive cependant vu que je suis champion départemental vétéran de lancer d'écrevisses et qu'on la ramène moins, hein, du coup, vieux rabouin !!!), ça c'est typique du joueur de pétanque ramolli par la sieste, la pétanque et le vote radical-socialiste.

    Achetez vous plutôt un camping car comme un retraité qui a réussi dans la vie jusqu'à pouvoir accélérer la fin du monde à grand coup de diesel et venez vite ralentir la circulation sur la nationale 10 les samedis noirs (et non, je ne parle pas des soirées zouk au Laser Flash Action Club d'Endoume, gratuit pour les filles avant minuit).

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