samedi 6 août 2022

Le retour des forts en gueule

Ce qu'il y a de fort dans le mythe de Cassandre, c'est l'inéluctabilité des prophéties tempérée, au moins un temps, par le déni taillé dans le marbre du public qu'on avertit. La sécheresse record de cette année ne tombe pas de nulle part, elle n'est pas un coup de tonnerre dans un ciel sans nuages. Non, elle est annoncée depuis longtemps par bien des gens qu'on a pas pris la peine de prendre au sérieux, ni même d'écouter. Mais rassurez-vous, bonnes gens, tout va bien dans un monde si assommant de normalité que nos gouvernants s'apprêtent à partir trois semaines en vacances alors que la liste des communes sans eau potable s'allonge d'heures en heures, que les canons à eau arrosent sans sourciller des hectares de céréales déjà complètement brûlées en pleine journée et que la seule réponse évoquée évolue sans surprise vers des aides publiques aux agriculteurs irrigants !!! Qu'à Tours, en se démerdant bien, on puisse traverser la Loire en waders, que la Creuse soit praticable en bottes sur toute sa largeur quelques kilomètres avant de se jeter dans la Vienne ou encore que tout le bassin de première catégorie du sud des Deux Sèvres (Boutonne, Béronne, Berlande, Belle) soit à sec, c'est certes un peu gênant mais bon, les chiffres des nuitées touristiques se portent bien, on dirait ?


Dans ce contexte un tantinet tendu de l'hectolitre, je me suis retrouvé à contempler le Loir immobile, d'une profondeur de pédiluve et affichant une température tropicale digne de justifier un lâché sauvage de peacock-bass. Bref, c'est une catastrophe d'ampleur biblique et il reste encore six semaines d'été calendaire plus l'arrière saison. Je n'évoquerai même pas la transhumance automobile qui va drainer des flots massifs de Mimile & Ginette vers des contrées imbéciles où l'eau potable se fait aussi rare qu'un coussin péteur dans le bureau d'Elisabeth Borne. En attendant l'apothéose macabre de cet intermède estival tragique, j'avais l'occasion de terroriser ces bons vieux petits bass du marais. Ce qui ne se refuse pas, vous pensez bien.

Ned Rig "façon façon" et ça marche. Etonnant, non ?


La Sèvre niortaise ne coule plus, les pelles des écluses restent fermées afin d'éviter l'écoulement complet du fleuve en mer. En amont, la première catégorie est dévastée elle aussi et souffre d'un étiage historique. Cela faisait des années que les irrigants prenaient en otage les pouvoirs publics, complices et/ou impuissants. Tout ça se paye. En aval de Niort, il reste donc un peu d'eau même si elle a un air un peu croupi peu engageant au premier abord. J'y ai donc pêché du bord quelques heures et en float tube une matinée.



Le moins que l'on puisse écrire est que le bass est la providence des milieux dégradés ainsi que des pêcheurs fâchés avec le réveil aux aurores !!! Même en plein cagnard, ils répondent présent, les bougres. Alors que les truites, ces bêcheuses, elles ne répondent plus dans le coin qu'au cours de séances de spiritisme halieutique...


Oui, c'est vraiment bon pour ce qui nous reste de moral d'enchaîner les touches de ces petits voraces jamais en panne d'un engloutissement de leurre souple. Je reviendrai ultérieurement sur les souples qui se sont avérés les plus preneurs (essentiellement du aliexpress, excusez moi d'être un pingre assumé) si j'ai le temps, la motivation ou l'inspiration. Mais là, je suis encore remué d'avoir traversé l'Ouest en long en large et d'avoir constaté que partout la végétation n'attend qu'un mégot pour que le film "la Route" ne soit plus qu'à quelques pleins de gasoil de se muer en une réalité franchouillarde.



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