lundi 17 janvier 2022

Nostalgie : l'Erdre, son univers impitoyable (première partie)

1980 : le centrisme règne encore d'un mocassin à glands implacable sur l'hexagone submergé lentement par la marée du chômage de masse, le Football Club de Nantes n'a qu'un seul rival crédible, les Verts de Michel Platini, et on commence tout juste à parler d'un pays, l'Afghanistan qui jusque là n'était connu que des fumeurs de joints et de Joseph Kessel. En ce mois de novembre, je m'apprête à fêter mes 9 ans. Nostalgie, quand tu nous tiens...

N'en déplaise à certains, le monde n'était pas idyllique
avant l'arrivée de François Mitterrand au pouvoir.

C'est au cours de l'été 1980 que j'ai fait mes premières armes en eau douce, dans l'Erdre précisément. Mon montage était, je dois le confesser, des plus rudimentaires : canne en bambou ayant connu son heure de gloire quelques décennies auparavant dans les mains de mon grand-père, corps de ligne en nylon 20/100°, flotteur maison concocté avec un bouchon de Bordeaux transpercé par un bâton de Chupa Chups, vaguement équilibré par quelques chevrotines et se terminant par un hameçon numéro 10 où s'agitaient quelques lombrics aromatisés au marc de café. On était alors loin des raffinements des street-fishers métrosexuels ne jurant que par des marques de leurres japonaises confidentielles proposant des ersatz de mollusques hybrides ressemblant plus à un ancien dieu lovecraftien qu'à une honnête palourde bien de chez nous à l'appétit des poissons mutants traînant à la sortie des égoûts. Pourtant, le succès, ou au moins ce qui en tient lieu pour un gamin de cet âge, fut au rendez-vous : gros poissons-chats, gardons en surcharge pondérale et brèmes baveuses à souhait vinrent garnir ma bourriche en métal flambant neuve car j'avais, sans modestie excessive, anticipé le triomphe.

Devenu, bien des années plus tard, grâce au développement de mon système pileux, une passion pour la Kronenbourg et la découverte salvatrice du lit au carré au service militaire, un homme, j'ai renoué avec cette rivière que, jadis, François Ier qualifia de plus belle rivière du royaume. Passons sur quelques épisodes peu glorieux durant lesquels je décimais les ictaluridés locaux en pêchant au posé avec des morceaux de gardons. Ce fut une passade difficilement justifiable, j'en conviens, mais je ne tardais pas à jouer du leurre souple en virtuose aux premiers frimas au hasard des multiples ports de plaisance qu'offre ce cours d'eau. Dans mon souvenir, un leurre souple contrefait par mes soins diligents, le Tiny Xlayer pour ne pas le nommer, remportait en ces lieux un succès indéniable.

Je connus alors des fins d'automne productives, tout spécialement au port de Sucé-sur-Erdre, havre de félicité pinsophile où se rassemblaient (et se rassemblent probablement toujours) par millions poissons blancs en voie d'hibernation dans les bancs desquels se glissent subrepticement carnassiers opportunistes. Mais ça, c'était avant.


Désormais, je ne suis plus qu'un vieux machin aux articulations grinçantes, renonçant à toute escapade halieutique hivernale dès que le gel fait son apparition. Ce week-end, j'avais deux jours pour lancer l'année de pêche mais le -3°c matinal a eu facilement raison de mes timides ambitions. De toute façon, si j'en crois Vigie-Crue, j'ai bien eu raison de ne pas brûler de l'essence. Autant rester bien au chaud à maugréer, tiens.





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