mardi 16 août 2016

La thèse du relou solitaire

Alors que, bon an mal  an, j'avais l'habitude d'aller à la pêche en compagnie de joyeux compagnons jamais avares d'un skipping raté se terminant en stérilisation forcée d'un ragondin mâle, ces derniers temps, j'ai plutôt tendance à jouer du Rapala en solo. C'est la vie, c'est comme ça. Les choses changent.  Les rivières se vident. Les gens vieillissent. Un jour, usé par des décennies de sociabilisation contrainte, l'affable grégaire se mue en relou solitaire^^...



Si l'on en croit le proverbe, "il vaut mieux être seul que mal accompagné"... Bon, honnêtement, je ne sais pas quel crédit on peut accorder à ce genre d'aphorisme qui semble incarner l'aigreur accumulée par le monde rural durant ces siècles fâcheux où il fut la victime de famines, de razzias, de fièvres pesteuses, de jacqueries intempestives ainsi que de choix vestimentaires contestables...  Sans doute faudrait-il se contenter de voir à travers cet apophtegme désabusé, un poignant témoignage du malaise paysan avant que le glyphosate, les disco-mobiles et les subventions européennes ne condamnent la ruralité au bonheur éternel.


Cela dit, n'allez pas croire pour autant que sous le prétexte que je ne force pas ma farouche nature à fréquenter des beaufs calamiteux,  rien que pour avoir une place sur leur bateau, mes entrées sur un lac privé ou un bel autocollant promotionnel, j'en sois réduit à vivre tapi dans mon sinistre repère en passant mes longues journées à ourdir de sombres complots contre l'humanité rayonnante. Non, il m'arrive de sortir de temps en temps pour aller au PMU ou m'acheter le Chasseur Français, faut pas déconner. Plus sérieusement, afin de mettre les choses au clair et contrairement à ce que l'on pourrait penser à la lecture de ce préambule, je n'ai pas atteint les sommets de la misanthropie donc je vais encore de temps en temps à la pêche avec des gens mais, dans la mesure du possible, des fréquentables !!!^^
Ainsi en ce 15 août, suivant une tradition qui sera séculaire d'ici 97 ans, nous nous sommes réunis entre quadragénaires toujours vifs ( un peu moins qu'Usain Bolt, certes, mais beaucoup plus qu'une palourde...) pour une partie de pêche défiant les conventions du genre. La canicule, la sécheresse ? Pfff, des excuses pour losers, ça !!! Ils sont bien au delà de ces contingences minables, mes deux commensaux du jour, l'ineffable DJ Stromboli et le pétulant  François H. ( from Paris ). Levés avant l'aube, lestés d'un café plus épais qu'une blague de Jean Marie Bigard, nous nous sommes envolés d'un pneu crissant à la Starsky & Hutch à chaque rond-point vers la sauvage pampa où sévissait naguère notre ami Stromboli lorsqu'il n'était qu'un frêle éphèbe torgnolant en série de la perche-soleil.

-Tu mets quoi comme appât ?
-De la bière.
Nous entamons notre journée dès l'aube sur des berges qui seraient accueillantes si elles n'avaient pas été transformées en décharge sauvage par les ploucs indignes qui viennent s'y cuiter en espérant tout de même sur un malentendu ( et une de leurs 30 lignes tendues... ) y viander un truc... Une touche bien lourde sur un de mes spinnerbaits-maison me surprend au bout de quelques minutes. Puis, après avoir contemplé le merveilleux spectacle de la nature ( en l'occurrence un couple de gros rats noirs venant fouiller les ordures...) s'éveillant aux premiers rayons du soleil, par un de ces petits miracles inexplicables, BLAAAM, je pique un joli poisson venant de tenter de croquer un shad 3" sur une de mes têtes plombée à palette. Aie. Je pêche la perche avec ma petite canne chinoise, en nylon 20/100° et là, le client, c'est un brochet bien énervé et pesant manifestement quelques kilos. Le combat s'engage, tout en souplesse ( au moins de mon côté^^), puis s'éternise avant qu'à l'instant de le saisir, le poisson sur une ultime pirouette ne se décroche  en une majestueuse gerbe d'eau. Caramba. Encore raté.
-Donnez un poisson à un homme et il aura à manger pour une journée. Apprenez lui à pêcher et il passera ses journées assis dans son bateau à picoler...
J'ai récupéré mon leurre. C'est déjà ça. Sans compter que ce facétieux ésocidé nous a apporté l'irréfutable preuve qu'il reste un poisson plus que correct sur ce spot présumé dévasté.  L'espoir renaît sur nos faces burinées. Les collègues s'enhardissent et se mettent à ratisser d'importance le plan d'eau... Mais le soleil commence à taper sec. Mr. Stromboli, manifestement à deux doigts de l'insolation, réussit à défier les lois de la balistique en propulsant soudainement à la gyroscopique un de mes spinnerbaits fétiches. Ce chef d'oeuvre nippon rescapé de ma période somptuaire finit  sa course en haut d'un arbre. J'ai à peine le temps d'hésiter à faire fusiller le maladroit pour l'exemple que ce dernier, prouvant que ses années de scoutisme ne peuvent se résumer aux attentions libidineuses des aumôniers, le récupère après avoir trouvé une branche coupée adéquate entre deux monticules de papier hygiénique visiblement de seconde main... Le crime étant père de l'amnistie, j'absous illico le fautif avec une magnanimité  dont la célérité, confinant au laxisme, m'a d'ailleurs valu sur les réseaux sociaux les sarcasmes de divers dictateurs ainsi que du sémillant Eric Ciotti...

Nous décidons quelques minutes plus tard d'abandonner les lieux afin de rejoindre le coeur du Strombolistan et ses étangs mythiques. Une halte boulangerie improvisée nous obligera à réquisitionner d'autorité les trois derniers pains au chocolat du comté afin de ne pas tomber d'inanition. Le mercure titille les 30°centigrades et nous ne sommes qu'en milieu de matinée. L'étang visé, haut-lieu des légendaires exploits de notre comparse, n'est malheureusement plus accessible. Des barbelés flambant neufs en interdisent l'accès. Damned. Improvisant en urgence, nous nous rabattons sur un autre spot peu distant mais dont nous ne connaissons rien. Et là, c'est le drame...

C'est gavé de poissons. L'eau est propre. Le cadre préservé. Comme nous n'en avons pas l'habitude, nous sommes gravement déstabilisés. Je décroche trois bass. C'est l'angoisse. A trois, nous n'arrêtons pas de faire suivre des poissons sur nos leurres. Plein de perches, quelques bass... La chaleur grimpe toujours et les poissons sont de plus en plus timides bien que présents. Alors que nous nous sommes décidés à rentrer, vaincus par le cagnard infernal, j'avise un groupe de bass indolents croisant à la nonchalante à quelques dizaines de mètres.  Ayant repris la canne MH, je leur envoie un leurre de surface chinois à 1,84 euros. Plouf...Et BLAAAAAAAAAAAM !!! Saperlipopette !!! Une touche de malade m'arrache presque la canne des mains. Je viens de ferrer un bloc. Mon plus gros bass, c'est sûr. Le poisson sonde et trace en force. Il fait ce qu'il veut malgré ma tresse de 20 lbs. Et là, il se réfugie dans les herbiers sans que je ne puisse absolument rien y faire avant de se décrocher et que je n'y laisse mon leurre discount accroché à un bois mort. Un hurlement démentiel évoquant celui du loup-garou découvrant le tofou, voire celui de Laurent Wauquiez apprenant l'existence de chômeurs arabes indemnisés, s'échappe de ma bouche tordue par une insondable détresse... Il est temps de rentrer, accablés de chaleur mais éclairés par l'esprit d'un des plus nobles sentiments humains : la vengeance^^. Car, soyez-en certains, nous reviendrons !!! Et peut-être même qu'en rompant la tradition, sans nous sentir obligés d'attendre encore un an, on ne tardera pas à derechef vous titiller, bande de petits malins à nageoires !!!^^





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire