Alors que nous vivons nos dernières heures de pré-re-confinement, je consacre mes moments de repos contraint (vu que je suis en ITT jusqu'en 2021...) à reprendre petit à petit le contrôle de tous les documents iconographiques accumulés à droite et à gauche dans le but d'en faire profiter les copains.
Jadis, on estimait l'intérêt d'un poisson avant tout à sa valeur culinaire. L'acte de pêche était consubstantiel au prélèvement gustatif. La qualité de "poisson sportif" venait en second lieu. Dans cet article tiré une nouvelle fois de ce numéro du magazine halieutique la "Pêche indépendante", sorti au début des années 30, on peut discerner aussi un débat vieux comme la pêche : les introductions d'espèces allogènes. Comme indiqué, celles du hotu, du poisson-chat et de la perche-soleil ne sont pas considérées comme de francs succès à l'époque et aujourd'hui aussi à vrai dire. En ce qui concerne le black-bass, par contre, F. Fromentin fait oeuvre de visionnaire. Effectivement, on est en droit de se demander ce que serait le développement de la pêche sportive en France sans le black-bass et son formidable pouvoir d'attraction. Cet article permet aussi de tordre le coup à une légende urbaine trop souvent entendue : non, le black-bass n'a pas été introduit pendant la seconde guerre mondiale pour "distraire" les G.I. Rassurez-vous, les rafales de MG 42, les attentions choisies des Scharfschützen disséminés dans les haies normandes et autres tirs de mortier mutins parvenaient à occuper pleinement les moments perdus du soldat d'infanterie américain... C'est lorsque les G.I furent cantonnés dans les garnisons de l'OTAN aux débuts de la Guerre froide que, parfois, comme dans le Marais poitevin, furent importés des Black-bass afin que les appelés américains de la base de la forêt de Chizé ne s'ennuient pas trop pendant leurs permissions. Mais ceci n'est qu'une anecdote : le Black-bass n'était pas un inconnu dans les eaux françaises, loin s'en faut. Il suffit de lire les premières pages du Raboliot de Maurice Genevoix pour s'en convaincre.
Parmi les nombreux sujets dignes d'intérêt que l'on peut trouver dans un journal vieux de près d'un siècle, il y a la description de certains coins maraîchins que nous connaissons bien. Il est amusant de noter les appellations locales de certaines espèces de poissons : les dards sont des vandoises, poissons dont on ne constate de nos jours plus la présence, tout comme celle des goujons, dans ces eaux réchauffées, saccagées par les effluents agricoles et sans aucun doute bien moins courantes qu'il y a un siècle.
Il est par ailleurs touchant de reconnaître quelques lieux connus comme Châtelaillon dont le maire allergique aux bénéficiaires des minimas sociaux aimerait tant faire le "Deauville charentais" avec ses casinos balnéaires, son hippodrome rutilant et sa thalasso pour radasses parcheminées soumises à l'ISF. En ce temps là, on y traquait plus volontiers la crevette grise que la morue aux UV. Quel soulagement de constater qu'en 1908, on pouvait déjà se désoler que la pêche à pied soit moins bonne qu'en 1892. Les Congés payés se trouvent ainsi disculpés définitivement de toute participation active aux grands débuts de la Sixième Extinction de masse. Ce qui constitue une bonne nouvelle pour la Gauche et ça, c'est pas tous les jours en ce moment...
Bref, lorsque l'on plonge son regard anxieux dans un passé pas si lointain, non seulement on apprend à relativiser notre savoir si souvent basé sur des illusions pratiques ou des informations de seconde main invérifiées mais on remet aussi en balance la notion de sacro-saint "âge d'Or" que visiblement n'existe jamais que dans les souvenirs vieillissants des nostalgiques associant leurs 20 ans au meilleur moment de l'Histoire du monde. Quant à notre avenir immédiat, il se dessine sous des auspices peu sympathiques. Je ne vais pas me répandre sur l'incompétence criminelle d'une bande de pantins pathétiques dansant au bout de la laisse que tient fermement le Grand Capital. S'il reste dans ce pays, des gens qui peuvent encore leur trouver des excuses, on est plus dans le ressort de la neurochirurgie que dans celui de la rhétorique. Gardons envers et contre tout les vestiges de notre dignité ou ce qui en fait fonction même pendant l'Armageddon. C'est une question de décence. On ne va pas se faire surprendre par la fin du monde en claquettes-chaussettes, cornegidouille.
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